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Reportage réalisé par Sylvie Doddeler à la Bibliothèque Billancourt avec les enfants de la classe de CE1 et leur professeure, Mme Sylvie Barrault de l’école élémentaire d’application Les Glacières à Boulogne-Billancourt.
Sylvie Ballul a lu Le géant, la fillette et le dictionnaire, de Stéphane Poulin et Jean Leroy et Le secret du rocher noir, de Joe Todd-Stanton.
Dès que l’on se met à le lire à voix haute, un texte prend immédiatement une autre dimension. Exactement comme lorsque l’on déchiffre une partition musicale et que l’on assiste ensuite à la répétition d’orchestre.
Il faut s’entraîner :
- Lire et relire le texte à voix haute, même si on le connaît déjà.
- Repérer ses articulations, ses mouvements, en capter parfaitement le sens.
- La moindre imprécision de compréhension produira une confusion à l’écoute.
Le corps doit rester tonique quelle que soit sa position.
Debout, devant un pupitre, s’avère idéal.
Si on est assis, favoriser la circulation de l’air dans le corps par une posture adaptée, garder la tête haute et adresser sa lecture aux auditeurs.
Et encore : bailler et s’étirer avant de prendre la parole, même en pensée, si le lieu n’offre pas de coulisses !
Commencer par respirer et s’attacher à sentir l’air entrer et sortir de son corps.
La puissance de la voix dépendra beaucoup de la manière dont on respire.
Parler un peu plus fort que dans la vie courante et, surtout, soutenir jusqu’au dernier mot de la phrase, au lieu de le « laisser tomber ».
La qualité essentielle est la générosité. Le désir de partager une histoire que l’on aime et y entraîner les autres.
Ne pas faire confiance au texte et vouloir se mettre soi-même en valeur.
Il ne faut pas non plus « forcer » la voix.
Bien sûr, ils vont donner de l’épaisseur à la lecture !
Respecter la ponctuation mais aussi les blancs dans une page, ou entre deux chapitres, est indispensable. C’est une respiration.
En jouant avec le rythme: ralentissement, accélération, pause.
En luttant contre la précipitation qu’engendre la peur.
Au contraire, prendre son temps.
Embrasser le lieu et le public du regard sera une information précieuse à laquelle la voix s’adaptera.
Avoir le trac est inévitable quand on prend la parole en public.
Mais, bien maîtrisé, il devient un moteur.
Et puis sortir de soi, ça fait peur, mais ça procure un immense plaisir !
C'est parti !
« Pour moi, un auditoire de jeunes est comme un laboratoire, un lieu où j’expérimente mes textes, peut-être comme Flaubert faisait passer les siens au “gueuloir”. Je perçois les baisses d’intérêt de l’auditoire à son agitation, les niveaux de compréhension selon que l’un rit et l’autre pas. Une histoire lue à haute voix avoue ses défaillances : syllabes heurtées, phrases mal balancées, longueurs complaisantes… »
« Bien sûr, comme le rappelle Georges Jean, le lecteur à voix haute n’est pas un comédien, mais comment ne pas se glisser dans la peau de certains personnages ? »
« Les livres lus, soir après soir, fournissent à l’enfant des modèles et des références pour s’inventer ses propres jeux, surmonter les chocs et les accrocs de la vie, ou comprendre les autres par les vertus de l’identification aux personnages. Et puis, à force de fréquenter les fées, les ogres, le père Noël et les fantômes, il saura peu à peu faire la différence entre le réel et l’inventé, le pour de vrai et le pour de faux. Selon moi, il faut avoir eu la tête dans les étoiles à trois ans pour avoir les pieds sur terre à vingt. »
Depuis toujours, ce moment d’échange entre grands et petits est un plaisir de la vie. À l’école aussi, c’est la plus belle manière de transmettre ce que donnent les livres. Tous les pédagogues préconisent aujourd’hui d’instaurer chaque jour, pour tous les âges, ce morceau de « temps suspendu » joliment nommé le moment de l’histoire. Ainsi l’écoute de textes littéraires lus ou racontés figure dans les nouveaux programmes de 2016 (Bulletin officiel spécial n° 11 du 26 novembre 2015)
Qu’est-ce précisément que ce « moment de l’histoire » ? C’est l’adulte qui, à un certain moment de chaque jour, et selon un rituel invariable, lit un livre aux enfants, quel que soit leur âge – de trois ans à beaucoup plus.
Ce livre peut être un album ou une histoire avec ou sans images, mais toujours un livre que l’adulte a spécialement choisi pour ces enfants-là et dans un seul but, très important : leur faire vivre le plaisir de cette rencontre entre le récit et eux.
Il s’agit de permettre aux enfants de :
Il s’agit de baigner les enfants dans les richesses littéraires offertes par les livres, de les mener vers les subtilités de la langue, plutôt que de leur faire faire des exercices à trous !
Les livres ne devraient jamais détourner les enfants de la lecture, risque que leur font courir les batteries d’exercices sur le fonctionnement de la langue, très éloignés de l’objectif visé. On ne sait jamais ce que les enfants retiennent d’un récit qu’ils entendent ou d’une scène qu’ils voient. Et c’est tant mieux. Ce moment de la lecture peut rester le jardin secret des enfants.
L’adulte est un médiateur culturel. Son rôle est de proposer aux enfants des lectures riches et variées, propres à les aider à mieux se connaître, à s’interroger sur le monde, à rêver. C’est l’école qui doit proposer des ouvrages consistants, qui soient matières à réflexion, des albums de jeunesse posant de vraies questions. Et c’est l’adulte qui, en offrant ces histoires, aide l’enfant à apprendre le monde.
Pour faire vos choix, vous pouvez consulter les sélections d’œuvres pour l’école élémentaire du ministère de l’Éducation nationale ou pour l’école maternelle.
Le site de l’école des loisirs avec sa recherche thématique est très utile, ou encore la sélection proposée par A.C.C.E.S. (Actions culturelles contre les exclusions et les ségrégations)
Ne pas tomber dans des choix faciles. L’école n’est ni le supermarché, ni la télévision ni la maison. Elle se doit de proposer des œuvres d’une certaine densité de contenu. Son ambition doit être de choisir des textes pouvant donner lieu à des partages d’expériences humaines fortes.
Il faut d’abord penser à tout ce qui peut être un obstacle à la compréhension et lever cet obstacle de préférence avant la lecture. Le temps de préparation à celle-ci est souvent plus utile que les questionnements et explications qui suivent le moment de l’histoire.
Bien des méthodes sont possibles. Tout est à moduler en fonction du livre et de l’auditoire.
Avant de reprendre une lecture interrompue, demander à un enfant de dire « où en est restée l’histoire ».
Si le maître demande aux enfants leur avis, c’est bien pour accepter des réponses variées, à l’occasion surprenantes. On sait que, d’un même roman, les lecteurs adultes peuvent avoir des interprétations très différentes. Les enfants aussi. Tant que leurs réponses restent en rapport avec l’histoire entendue, on doit admettre ces réponses et laisser la discussion s’installer. Il n’y a jamais une seule bonne réponse à la question posée : il faut toujours accepter le point de vue de l’enfant et comprendre sa logique. Cependant, bien sûr, on évitera de laisser passer une erreur manifeste, sous prétexte de liberté d’interprétation.
Impérativement (dans la mesure des moyens matériels), laisser le livre ou plusieurs exemplaires du livre à la disposition de la classe. C’est le moins qu’on lui doive !
Certains enfants se trouvent en difficulté lors du moment de l’histoire (manque de concentration, de compréhension, peu d’images mentales, etc.) Il est impératif de prévoir pour ceux-là les modalités de travail qui les aideront. Il s’agira de leur consacrer des moments privilégiés, en groupe de besoin, pas forcément institutionnalisé dans la classe.
L’enfant deviendra lecteur s’il est convaincu que les livres lui parlent, à lui, et de lui (de lui tel qu’il est, avec ses peurs, ses doutes, ses plaisirs ; de lui tel qu’il voudrait être, un « moi héroïque ») ; que donc les livres peuvent l’aider à vivre (à rêver, à éprouver des émotions)… Il faut donc favoriser de sa part une implication personnelle (lui faire dessiner tel ou tel personnage ou tel ou tel moment de l’histoire, l’encourager à établir des liens entre cette histoire et sa propre vie, avec LA vie en général).
Est-ce que tu trouves que le héros du livre te ressemble ? Qu’il ressemble à quelqu’un que tu connais ? ---- Est-ce que tu aimerais avoir ce personnage pour ami ? ----- Voudrais-tu vivre ce qu’il a vécu ? ---- Qu’aurais-tu fait à sa place, quand… ? ---- Est-ce que, à ton avis, l’histoire pourrait se passer « pour de vrai » ?
Parfois, il peut être judicieux de substituer, à l’adulte lecteur, un livre audio ou une vidéo. Cela permet au maître d’observer les enfants en train d’écouter une histoire. Spectacle très instructif !
Pour cela, l’école des loisirs propose sa collection de livres lus Chut ! et tout dernièrement une collection d’albums filmés, en VOD ou sous forme de DVD (8 albums par DVD). La culture littéraire accessible à tous !
Bonnes lectures à tous !
https://www.ecoledesmax.com/outils-redacteurs/moment-histoire.pdf